Ouverture

Recueil en écho

« Écrire, c’est se faire l’écho de ce qui ne peut cesser de parler [1]. » Cette formule fait lancement pour notre cent soixante-huitième Mensuel, lancement en forme de question sur l’écriture, sur le travail sous-jacent aux écrits que nous présentons.

La phrase de Blanchot annonce une liaison entre le parler et l’écrire, entre ce qui se dit et ce qui s’écrit. Pour autant, cette liaison ne se résume en rien à une simple transcription. Certes, l’écrit ramasse et garde trace des dits proférés, il en fait collection, mais Blanchot ne met pas l’accent sur cette dimension. Il parle ici de l’écriture en acte, de l’instant de l’écrit, et pour ce faire il introduit un troisième terme : l’écho. Cette référence, doublée de la formule « se faire », n’est pas sans évoquer le domaine pulsionnel, elle nous conduit à questionner la part de drive en jeu dans l’écriture. De même, « ce qui ne peut cesser » renvoie vers une impérieuse insistance, vers une ferme constance. L’écriture se révèle en rapport à ce qui ne cesse de parler, mais ce « rapport » et ce « parler » restent à préciser.

Relevons que Blanchot ne mentionne pas la préséance d’un sujet supposé maître de ce qui s’écrit. Il parle d’un « se faire », de « se faire l’écho ». Il évoque une forme de consentement où l’écriture s’allie au creux, à la chambre d’écho. Ici, l’écrire voisine avec un vide, une vacuole recueillant ce qui ne cesse de parler. Et qu’est-ce qui sans cesse parle ? Seraient-ce les dits des autres, de soi, de l’Autre ? Est-ce la rumeur alentour ? En deçà, ne serait-ce la voix, non pas celle qui s’entend, mais l’objet silencieux qui dans les dits s’immisce ? Le « parler » ferait alors signe d’une présence incessante et revêche à toute saisie, d’une présence en forme d’absence. L’écriture impliquerait de s’en faire l’écho, de recueillir ses bruissements inaudibles. Ainsi, écrire serait se faire l’écho de ce qui persiste sans être jamais dit.

Ces suppositions appellent leurs prolongements, mais laissons-les pour l’heure en suspens, laissons-les parler encore, et faisons place aux textes, et derrière eux, à l’image des auteurs, rivés à l’écritoire, laissant trace en bordure de ce qui, peut-être, cause l’écrire.

Denys Gaudin

Ouverture

  • p. 3-4 Recueil en écho Denys Gaudin

Séminaire École
J. Lacan, « Introduction à l’édition allemande d’un premier volume des Écrits »

  • p. 6 « Introduction à l’édition allemande d’un premier volume des Écrits », p. 554-555 Jacques Lacan
  • p.7-16 Anne-Marie Combres et Jean-Jacques Gorog

Séminaire Champ lacanien

  • p. 18-25 À propos de Le Grand Récit, de Johann Chapoutot David Bernard
  • p. 26-36 Entretien (2/3) avec François Jullien, Psychanalyse, dé-coïncidence et pensée chinoise

Des discours

  • p. 38-45 Avec les nouveaux signifiants maîtres, de quel Autre parle-t-on ? Patricia Dahan

Psychanalyse et science ?

  • p. 47-54 Inconscient et logique, fragments Muriel Mosconi
  • p. 55-61 Un peu de mécanique quantique avec Lacan Claire Wahl

Joyce et Sacher-Masoch

  • p. 63-73 Suspens et suspension Françoise Gorog
  • p. 74-87 Le monologue de Molly/ Pénélope : héritage, jouissance féminine et réel Noemina Câmpean

IIIe Convention européenne de l’IF-EPFCL
Journée de l’IF, L’éthique de la singularité

  • p. 89-94 Singularités, saints et analystes Mario Binasco

IIIe Convention européenne de l’IF-EPFCL
Journée École, L’impératif du lien social

  • p. 95-96 Prélude 2 Mikel Plazaola

Fragment

  • p. 98-99 Vêtir ceux qui sont nus
  • p. 101 Bulletin d’abonnement

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 M. Blanchot, L’Espace littéraire, Paris, Gallimard, 1955, p. 21.