Mensuel 069 Avril 2012

Billet de la rédaction

Silences…

« Nos paroles sont lentes à nous parvenir,
comme si elles contenaient, séparées, une sève
suffisante pour rester closes tout un hiver ;

Silence d’angoisse, silence de honte, silence bruyant de pensées qui s’entrechoquent, le silence est multiple. Il n’est pas seulement ce vide apparent. Plein de nos fantasmes et de nos incertitudes, il peut faire fuir, agacer celui qui n’a pas l’oreille pour l’accueillir ; laissant place à la déroute et alimentant les malentendus. Il est des cas au contraire où le silence cède une place pour qu’une parole puisse se dire et se déplier. Ouverture plus que fermeture, le silence de l’analyste est cette invitation à se découvrir dans ce que nous avons de plus intime. Il signe ici l’écoute et l’accueil d’une parole singulière.

ou mieux, comme si, à chaque extrémité
de la silencieuse distance, se mettant en joue,
il leur était interdit de s’élancer et de se joindre.

Le silence est rythme du discours articulé tout comme il rythme le dialogue musical. Dialogue musical avec son écriture qui lui est propre, où pauses et soupirs viennent ponctuer les variations mélodiques qui inlassablement répètent la même phrase, le même thème, comme s’il s’agissait par des tours et des retours, des nuances modales et rythmiques de revenir invariablement au même point. Telle la butée du névrosé se cognant irrémédiablement à l’impossible.

Notre voix court de l’un à l’autre ; mais chaque
avenue, chaque treille, la tire à lui, la retient,
l’interroge. Tout est prétexte à la ralentir. 
»

René Char.

Paroles, silence et voix sont les trois termes de ce poème de René Char, évoquant la solitude du parlant en quête de faire rapport mais ne pouvant y parvenir. Le lien à l’autre se tisse autour de ces silences, de ces ruptures et écarts dissonants qui parfois trouvent des accords permettant de jouer la même partition.

Du silence plein de sens à interpréter, au silence du hors-sens car tout ne peut se dire, la psychanalyse est ce long chemin à parcourir pour apprendre à jouer sa propre partition, l’interpréter et surtout comme « la phrase a été [écrite] commencée avant (1) » d’en poursuivre sa composition.

L’analysant étant responsable de son analyse, comme Irène Diamantis en a témoigné (2), il reste à l’analyste une autre responsabilité, celle d’y répondre par son acte. C’est ce que le rendez-vous international de l’IF-EPFCL à Rio va interroger. Ainsi, vous trouverez dans ce numéro des textes préliminaires à notre thème : « Que répond l’analyste ? Éthique et clinique ». Vous lirez également les textes du séminaire Champ lacanien, une étude sur Beckett et les… Petits riens.

M. O.

1. J. Lacan, Le Séminaire, Livre V, Les Formations de l’inconscient, Paris, Seuil 1998.

2. Intervention lors de la journée d’hommage faite à Lacan le 5 novembre 2011 et à paraître dans le
numéro 11 de la Revue Champ lacanien, en mai.

Sommaire

Pdf complet du Mensuel

Billet de la rédaction : Silences… 

VIIe Rendez-vous international de l’IF – Que répond le psychanalyste ? Éthique et clinique, 6-9 juillet 2012

Séminaire Champ lacanien 2011-2012
Les principes du pouvoir 

Étude

Extraits

Chronique