Édito
Dans ce qu’on ne sait pas, il y a ce qu’on sait, et autre chose.
On reconnaît le coussin, le carrelage,
la tasse, le livre, la lampe.
Mais il y a ce vide que met le regard,
une sorte de battement de cils.
Sans savoir, on entre dans l’infime.
Jacques Ancet [1]
Rien ne l’annonce, rien ne l’énonce en tant que tel, et pourtant il est là, lui qui ne s’indique que de manquements : le savoir insu. Issu d’un vide, il ne se saisit que par traverse, à la manière d’une matière noire : perceptible juste dans la trace de ce qu’elle dérobe à la lumière, et oriente vers la pénombre.
Au cours de l’été 1925, Freud rédige « La négation ». Il y présente une articulation décisive sur la logique de l’inconscient : ce qui se nie, ce qui se refuse à la conscience, n’en affirme pas moins une présence, et par là même révèle celle de l’inconscient. Dès lors, la psychanalyse introduit une autre logique, soutenant un paradoxe : le savoir se loge aussi bien dans ce qui n’est pas dit que dans ce qui se dit d’un pas. À l’insu, dans l’ombre d’une phrase, dans un « ce n’est pas ça », il ne s’énonce pas toujours là où on l’attend, ni l’entend. Aussi, le symptôme, en ce sens, ne trompe pas : il fait signe. Autre qu’un trouble, il devient un pas-sage qui mène vers un savoir enfoui.
Il y a ce petit jeu d’enfant, une bille qu’on essaie de faire entrer dans un trou. On croit avoir réussi, et voilà déjà que d’un infime tremblement, elle roule de nouveau. Il n’y a pas de stabilité, pas de point final, l’échec permet le recommencement et relance le jeu. Peut-être est-ce une bonne image de ce que nous appelons « savoir » en psychanalyse. Il n’y a pas de savoir total : toujours en mouvement, toujours à côté, à contresens, à demi-voix, par éclats.
Ce savoir troué est au cœur de l’expérience analytique. « Comment faire avec ce trou, ce vide, cette impossibilité ? », demande Ana Maeso. « C’est là que, paradoxalement, il faut inventer quelque chose, créer – tout en sachant que ce non-savoir s’imposera encore et encore. »
Juin 2025. Le temps d’un siècle, et le mouvement se poursuit, rien n’est conclu, toujours actualisé, encore interrogé. Ce numéro du Mensuel offre des élaborations fines et riches autour du savoir insu – celui qui ne se possède pas, ne s’enseigne pas, mais qui se laisse approcher par ses effets, ses surprises, ses déplacements.
Dans ces textes, on apercevra les formes que ce savoir en creux dessine – depuis l’échec, l’écart, ou encore l’impossible –, on y trouvera aussi un certain éloge du déplacement, une invitation au dépaysement, à se mettre en dehors « de la passion de comprendre », pour se risquer, tel que Marie-José Latour le relève, à un discernement différent. À vouloir comprendre, on reste compris dans, dans le décor. Un infime décalage, un petit pas, un transfert, favorise une autre manière d’y voir. Peut-être là où le regard met un vide, propice à l’entendement, à une invention.
Le mois de juin n’est pas sans évoquer lui-même un temps entre, un temps de passage. Ni tout à fait l’été, ni vraiment sorti du printemps. Entre fin et reprise, il clôt et prépare. Il ouvre sur l’été, qui apporte ses suspensions, ses variations, ses possibles changements de décor. Dans quelques semaines, Venise accueillera la Convention européenne ; à l’automne, les Journées nationales nous réuniront autour de « L’aventure psychanalytique et sa logique ». Entre les deux, un espace s’ouvre.
C’est dans cet entre-deux, rendant grâce au désordre, que ce numéro s’inscrit. Il vous invite à vous laisser surprendre plutôt qu’à comprendre, à vous laisser déplacer, aller un peu plus loin. Peut-être vous avancerez-vous dans cette lecture comme une traversée, à suivre les lignes qui longent le vide depuis lequel Je résonne.
En vous souhaitant la possibilité d’une vacance propice au mouvement, bonne lecture !
Aurélie Douirin
[1] .↑ J. Ancet, Les Travaux de l’infime, Toulouse, Érès, coll. « Po&Psy », 2012, p. 12.
Édito
Séminaire École
J. Lacan, D’un discours qui ne serait pas du semblant
Séance du 9 juin 1971
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p. 6-15
L’hystérique n’est pas une femme
Vanessa Brassier
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p. 16-22
La schize des mythes freudiens
Elisabete Thamer
Fragment
Qu’enseigne la psychanalyse ?
Séminaire École
Les Cercles cliniques
« Comment débute une psychanalyse ? » Passage au transfert analytique
IVe Convention européenne de l’Internationale des Forums
Venise, 12-14 juillet 2025
Journée de l’École « La passe : expérience et témoignages »
Réplique 4
Journées de l’IF, « Le symptôme dans la psychanalyse »
Préambule
L’accueil psychanalytique – ACAP-CL
Considérations actuelles
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p. 61-78
Le symptôme, le sexe, l’amour : problématique et enjeux contemporains pour la psychanalyse
Sidi Askofaré
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p. 79-83
Narcissisme et politique
Marc Strauss
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p. 84-87
Le transfert du transfert
Frédéric Pellion
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p. 88-98
Fake causes. Quelques remarques sur la psychopathologie de la conviction
Frédéric Pellion