Billet de la rédaction

À l’horizon des travaux qui nous attendent cette année 2017 pointe le doigt levé du Saint Jean-Baptiste de Léonard de Vinci fraîchement restauré et qui va figurer sur l’affiche de nos prochaines journées de -l’EPFCL-France sur « le devoir d’interpréter » qui se tiendront à Toulouse. L’interprétation est pour l’analyste un devoir. Voilà qui ne peut que questionner au plus haut point les analystes et vivement intéresser les analysants. Nous en donnent un avant-goût les exposés du dimanche après-midi des précédentes journées à Paris ici publiés.

Marc Strauss commente, dans son intervention, le passage de la « Post-face » du Séminaire XI où Lacan parle du devoir d’interpréter, en particulier en tant qu’y intervient la fonction de l’écrit qui tranche dans le champ de la jouissance. Il rappelle aussi que si l’éthique de l’analyste est, au dire de Lacan, convertie au silence, le silence de l’analyste ne saurait être complice, comme chez Dora, du fantasme.

Du devoir d’interpréter Colette Soler pose le préalable. Dans le cadre du discours où l’analyste a à se laisser être à la place de l’objet, comme tel silencieux, il y a pour l’analyste possiblement un péché de non-inter-prétation. L’interprétation de l’analyste est un dire spécifique qui ne dit rien qui ne soit de l’analysant, qui ne dit rien sur celui qui le profère, car elle fait silence sur lui-même, sur sa subjectivité propre. Ni impérative ni directive, elle se doit d’être a-normée, de ne s’autoriser d’aucune norme de l’ordre social et sexuel. Et si sa voie passe par l’équivoque et la coupure, c’est le plus en dire de l’analysant, toujours en manque de ce qui ne peut se dire, que le pas assez du dire silencieux de l’analyste indexe de son doigt levé.

Michel Bousseyroux nous montre dans son exposé que de Freud à Lacan l’écart sur la question de l’interprétation n’est pas si grand. Déjà, avec Dora, il suivait le rail de ce qui s’écrit par la voie des associations. Freud aussi pratiquait l’équivoque et l’apophantique. Mais c’est parce que, très tôt, Lacan a fait le choix décisif de pratiquer des séances courtes qu’il a pu privilégier la coupure interprétative, dont il a plus tard rendu compte par la topologie du tore.

Armando Cote explore la question de la jalousie et de l’envie dans leur rapport à la jouissance et à travers la scène augustinienne que Lacan a diversement commentée au cours de son enseignement, la jalousie devenant dans le Séminaire XI « invidia », puis dans Encore « jalouissance ».

Pour son exposé au séminaire Champ lacanien du 24 janvier 2017, Claire Montgobert a choisi de parler de « l’athée, le psychanalyste et le politique ». Elle y revient sur l’hypothèse lacanienne d’un athéisme « viable », c’est-à-dire qui ne se contredirait pas à tout bout de champ, que l’analyse pourrait produire. Elle y interroge aussi la question de la conviction chez l’analyste, comme manifestation de la certitude issue de l’acte qui convoque la façon dont il répond de son action dans la cité, face au social de son époque. Marc Strauss, quant à lui, articule et oppose le ternaire qui fait le thème du séminaire, croyance, certitude et conviction, à tromperie, ambiguïté et erreur, se guidant de l’apologue des trois prisonniers. Puis il en vient à les situer sur les trois ronds du nœud borroméen R.S.I. mis à plat, inscrivant d’abord la certitude en R, la conviction en S et la croyance en I. Mais leurs places peuvent tourner et la croyance ainsi passer, avec le croire à l’inconscient, de l’imaginaire au réel, puis du réel au symbolique.

Paraît aussi dans ce numéro l’exposé de Colette Soler du 12 janvier 2017 au séminaire École. Il y a le dit et il y a le dire. Mais il y a dire et dire et Colette Soler en extrait trois, le dire du « qu’on dise » de « L’étourdit », l’Un-dire et le dire analysant de la demande. Avec le « qu’on dise », Lacan fait un pas hors des frontières de l’écoute et de l’interprétation freudiennes et ce qu’elles visent, la vérité, pour faire ressortir le rapport du « dire-acte » à la jouissance. Quant au Un que convoque l’Un-dire, il porte sur l’Un de la jouissance nodale borroméenne, seule à répondre au pourquoi du dire. Aussi, dans l’analyse, s’il enveloppe, capitonne l’ensemble des dits, le dire à venir reste suspendu à une contingence existentielle, celle de l’acte.

Des textes ici publiés je vous souhaite donc non seulement une bonne lecture mais aussi de n’en point trop laisser le dire oublié.

Nicole Bousseyroux

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Sommaire

Billet de la rédaction

Séminaire EPFCL à Paris
« La parole et son dire »

Colette Soler, Dire… L’Un

Séminaire Champ lacanien à Paris
« Croyance, certitude, conviction »

Claire Montgobert, L’athée, le psychanalyste et le politique
Marc Strauss, Tromperie, ambiguïté et erreur

Journées nationales EPFCL 2017 à Toulouse
« Le devoir d’interpréter »
Textes introductifs

Marc Strauss, La loi du silence
Michel Bousseyroux, Le devoir d’interpréter, de Freud à Lacan
Colette Soler, Quel devoir ?

Autre texte

Armando Cote, Jouissance et jalousie

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