Mensuel 094 – Février 2015

En mémoire

Billet de la rédaction

Un mot d’hommage aux chroniqueurs de Charlie Hebdo, qui se sont battus pour la liberté d’expression, avec des mots, des dessins, des idées… Pour ne pas oublier notre chance, avec cet outil du Mensuel, d’avoir aussi un espace pour défendre nos idées et nos orientations. Un espace pour soutenir le travail à plusieurs, le partager, le transmettre malgré la distance géographique parfois, chacun dans son style…

« Le corps de l’inconscient » est le titre d’une journée de travail qui a eu lieu à Tarbes en mai dernier, dans le pôle 8 des Forums du Champ lacanien, et dont vous pourrez lire les contributions dans ce numéro du Mensuel. La manière dont le langage émerge chez un être humain, la façon qu’a eue le petit d’homme de se laisser imprégner par le langage induit dès le départ un rapport entre les mots et le corps. C’est ce que chacun des intervenants de cette journée à sa façon va tracer comme ligne.

Sophie Pinot prend appui sur sa clinique avec les enfants pour nous en donner une idée, d’une part interrogeant la rencontre des mots venus de l’Autre et du corps et d’autre part posant la question du savoir inconscient, et la question éthique pour qu’un analysant advienne… laissant la place à l’imprévu.

De l’imprévu, de la surprise, Laurence Pastissier nous en donne un magnifique témoignage dans son texte. Nous découvrons avec elle l’insistance, à vingt-cinq ans d’intervalle, des mots, « des mêmes mots » nécessairement brodés sur les tissus, « d’une nouvelle manière, dits d’une autre façon ». Expérience d’artiste, laissant la place à l’imprévu, avançant vers l’inconnu, pour y interroger une certaine vérité de la création, pas sans le regard de celui qui découvre l’oeuvre…

Vicky Estevez, elle, parle de la question des sonorités d’un sujet, la motérialité, et interroge ce qui se dit d’un sujet dans un texte. Intérêt pour le psychanalyste de ce qui surgit de poétique dans les dits d’un sujet, écoute attentive de « ce qui éclôt », du style présent d’emblée dans une analyse, qui soutient le sujet, et définit « la note propre à chacun ». C’est ce dont nous parle à son tour Marie-José Latour, dans « Le corps du poème », qui relève que « d’avoir un corps fait par des mots, fait de chacun de nous un poème » et explore les rapports du sujet à lalangue. Elle nous rappelle que le psychanalyste doit apprendre du poète…

Anne-Marie Combres nous introduit à la résonnance particulière des mots dans le corps pour l’écrivain Clarice Lispector. Nous la suivons dans ce très touchant trajet à travers différents ouvrages. Nécessaire recours à l’écriture, nous indique Anne-Marie Combres, qui relève que pour cette auteure « écrire veut dire être », « c’est son corps vivant qu’elle tente de prendre à l’hameçon des mots ».

Enfin, Nicolas Bendrihen nous amène sur la question du corps de l’inconscient quand « le réel bouleverse les liens au corps que l’on a ». Il nous propose à son tour de suivre Aharon Appelfeld dans Le garçon qui voulait dormir, suivant celui-ci dans l’apprentissage d’une nouvelle langue qui lui permet dans un premier temps une distance d’avec son enfance, et dans un deuxième temps d’écrire son passé… pas sans le corps.

La première partie de ce Mensuel sera consacrée à la suite du séminaire Champ lacanien qui se tient à Paris, sur la question : « Faire lien social dans le capitalisme contemporain ? »

Colette Soler explore les liens entre le sujet apparolé (à un discours) et le capitalisme, qui élude la barrière écrite (dans la structure du discours à l’étage inférieur) entre la jouissance produite et la vérité de la jouissance. « Forclusion de la vérité du désir et de la jouissance singulière de chacun », ne permettant pas le lien social, hors discours.

Muriel Chemla aborde la question des plus-de-jouir dans les discours du maître et capitaliste d’une part, et la place de l’angoisse dans le noeud borroméen.

Enfin, la troisième partie de ce numéro comporte un volet clinique, avec une réflexion d’Éliane Pamart. Celle-ci prend appui sur le cas d’une petite fille née sous iad (insémination artificielle avec un donneur), et sur l’enseignement de Lacan, pour explorer l’articulation de la question de la science et du père dans le monde contemporain.

Bonne lecture à tous.

Marie Maurincomme

Sommaire

Pdf du Mensuel

Billet de la rédaction

Séminaire Champ lacanien à Paris « Faire lien social dans le discours contemporain ? »
Colette Soler, Sujets apparolés au capitalisme
Muriel Chemla, Angoisse et lien social

Journée du Forum à Tarbes « Le corps de l’inconscient »
Sophie Pinot, ləkɔrdəlɛ̃kɔ̃siɑ̃
Anne-Marie Combres, Corps de lettres ?
Laurence Pastissier, Au corps de l’ouvrage
Marie-José Latour, Le corps du poème
Nicolas Bendrihen, Se relier aux lettres
Vicky Estevez, Ligne et voix

Clinique
Éliane Pamart, « La science permet de s’en passer »…

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