Mensuel 063 Octobre 2011

Billet de la rédaction

« Le savoir du psychanalyste »

« Est-ce qu’il y a besoin de démontrer qu’il y a dans la psychanalyse, fonda- mental et premier, le savoir (1) ? »

Trente ans déjà, depuis le décès de Lacan ! Comment mesurer ce que c’est, trente ans ?

Trente ans après la mort de Freud, en 1969, Lacan rappelait ce que, au temps de son Éthique de la psychanalyse, il avait appelé « l’événement Freud (2) ». Ayant mené à terme son retour à Freud, il montrait que la découverte de l’inconscient, cette subversion du statut du savoir, constitue un événement dans l’ordre de l’éthique.

Il ne s’agit pas, comme Freud avait pu le dire, d’une révolution portant atteinte au narcissisme de l’homme – les révolutions exaltent le narcissisme ! Plutôt d’un pas décisif nécessitant « un tout nouveau type de discours (3) ».

Trente ans après la mort de Freud, Lacan met en chantier une redéfinition du concept d’inconscient comme savoir, savoir insu, dont la spécificité tient à sa structure de langage, et que seul le discours analytique fait ex-sister (4).

Dès 1967, relevant le caractère intenable de la position du psychanalyste, Lacan soulignait que ce savoir « n’est pas portable, de ce que nul savoir ne puisse être porté d’un seul ». D’où, concluait-il, « son association à ceux qui ne partagent ce savoir qu’à ne pas pouvoir l’échanger ».

Or, si l’École devait pour Lacan répondre à cette nécessité d’association en y ajoutant l’ambition d’une avancée dans ce qu’il nommait le « frayage » du discours analytique, cela comportait en même temps de sortir la psychanalyse de son « extraterritorialité ». Tout comme Freud, Lacan a sans cesse œuvré dans ce sens.

C’est ainsi qu’en 1972, décidant de retourner à l’hôpital Sainte-Anne pour s’adresser aux internes en psychiatrie, Lacan annonçait une série d’entretiens sur, justement, le savoir du psychanalyste.

C’est dire que de son savoir d’analyste dont il ne pouvait, pas plus qu’un autre, s’entretenir, Lacan a voulu faire une cause. Le savoir du psychanalyste qu’il était fut la cause d’un enseignement destiné, certes, d’abord aux psychanalystes mais adressé bien au-delà, à tous ceux concernés par la folie (5).

Trente ans après sa mort, nous continuons à puiser dans cet enseignement, inépuisable, comme Lacan le disait de l’œuvre de Freud. Les travaux de ce soixante-troisième numéro du Mensuel de l’EPFCL-France en portent témoignage.

S. A.

1. J. Lacan, « Le Savoir du psychanalyste, Entretiens de Sainte Anne, 1971-1972 », séance du 8 novembre 1971, dans Je parle aux murs, Paris, Seuil, 2011, p. 20.
2. J. Lacan, Le Séminaire, Livre XVI, D’un Autre à l’autre, Paris, Seuil, 2006, p. 191.
3. J. Lacan, « Le Savoir du psychanalyste, Entretiens de Sainte Anne… », op. cit., p. 24.
4. J. Lacan, Télévision, Paris, Seuil, 1974, p. 26.

Sommaire

Billet de la rédaction : « Le savoir du psychanalyste »

L’inconscient
–  Bernard Nominé: Aux racines de l’inconscient
–  Martine Menès: L’ombilic de l’inconscient, un savoir réel ?
–  Patricia Dahan: L’illusion de faire Un

Séminaire École 2010-2011 Questions issues de l’expérience de la passe Suite et fin
–  Albert Nguyên Passensuite(s)
–  Pascale Leray: L’acte analytique et ses suites (1)
–  Clotilde Pascual: L’acte analytique et ses suites (2)

Séminaire Champ lacanien, 2010-2011 Le statut du signifiant maître dans la psychanalyse et dans l’époque Suite et fin
–  Maria Vitoria Bittencourt: Quelle place pour le signifiant maître dans une École ?
–  Nadine Naïtali: Des signifiants maîtres, que reste-t-il ?
–  Carlos Guevara: En quoi le discours analytique est-il le contrepoint du discours du maître ?

Hommage à Guy Clastres