Mensuel 093 – Janvier 2015

Billet de la rédaction

Quand Cronos libéra Chronos

« Rien ne dit dans le chant de la cigale qu’elle est près de sa fin. »
M. Basho.

Le temps est un concept qui n’a cessé de questionner. Depuis l’Antiquité, des philosophes aux physiciens, chacun a sa propre conception, interprétation du temps ; définitions qui recouvrent chacune des notions différentes (chronologie, simultanéité et durée). Il y aurait un temps mythique sans passé ni avenir, ni espace, celui où Ouranos en fusion avec Gaïa ne faisait qu’un, jusqu’à la castration d’Ouranos par son fils Cronos qui permit qu’adviennent l’espace (le cosmos) et le temps (Chronos).

Temps et espace semblent indissociables. Ainsi, en typographie, l’espace est aussi le nom de la petite lame qui permet de séparer les mots. L’espace c’est la coupure, la séparation qui permet de symboliser, matérialiser le temps par du vide (comme l’espace temporel, l’entre-deux des séances). « L’esp d’un laps » nous dit Lacan dans sa « Préface 1 », c’est l’espace qui introduit la temporalité, l’espace du laps de temps pour que surgisse le lapsus, pour être sûr d’être dans l’inconscient.

Des Grecs qui font s’originer l’espace et le temps de la coupure, la castration, la clinique nous montre que le temps ne va pas de soi pour certains sujets toujours au temps présent (dans certains cas d’autisme), ou toujours au temps passé (refuge contre l’angoisse de mort, nous dit Maisondieu 2, des sujets atteints de démence d’Alzheimer). Les sujets névrosés oscillent, quant à eux, entre un passé mythique idéalisé ou traumatique et un avenir incertain à maîtriser.

De l’inconscient freudien qui ignore le temps, atemporel, avec des liens de causalité qui ne procèdent pas du temps, Lacan après avoir élaboré le temps logique a redéfini l’inconscient, à la fin de son enseignement, en le posant comme réel. Cette relation au temps si particulière à chacun, cette temporalité propre au sujet apparaît comme le rapport du sujet au réel, à la mort comme ultime coupure, séparation d’avec le vivant.

Si l’inconscient ne connaît pas le temps, la psychanalyse, en tant qu’expérience, ne peut l’ignorer, de se déployer dans le temps, d’avoir besoin d’un certain temps. En effet, la psychanalyse est ce chemin, plus ou moins long, à parcourir pour parvenir au moment pour conclure. Nos collègues nous apportent ici leurs contributions sur cette question du temps, sous l’angle particulier, non de la durée des séances – qui avait tant occupé les analystes et notamment les critiques de l’orientation lacanienne – mais de la durée des analyses (thème de notre séminaire École de cette année) – objet, cette fois, des tenants des « thérapies brèves ». Viennent ensuite les deux premières interventions au séminaire Champ lacanien sur le lien social dans le discours contemporain et quelques contributions sur d’autres effets du réel que le temps, à savoir « le choix du sexe », qui fut le thème de nos dernières Journées de l’EPFCL.

Miyuki Oishi

Sommaire

Pdf du Mensuel

Billet de la rédaction Séminaire EPFCL à Paris – « La durée des analyses, ses raisons »
Cathy Barnier, Un dernier camp/quand retranché
Sylvana Clastres, Le temps des analyses, un temps au singulier 
Sybille Guilhem, Ça dure, c’est dur… 
Éliane Pamart, De l’analyse à la passe, paradoxes et butées

Séminaire Champ lacanien à Paris – « Faire lien social dans le discours contemporain ? »
Laurence Mazza-Poutet, De la ségrégation au camp : se réduire à son corps
Marc Strauss, Un discours sans semblant

« Le choix du sexe »
Françoise Hurstel, Essai de dire
Hervé de Saint-Affrique, Le choix de l’analyse
Anne-Marie Devaux, Chair corps

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