Mensuel 140 – Mars 2020

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Billet de la rédaction

Le mois de mars est, pour l’EPFCL, celui de la rencontre qui vient, comme chaque année, commémorer en quelque sorte l’une des dimensions essentielles d’une école de psychanalyse, celle de l’enseignement. La Journée nationale des collèges de clinique psychanalytique (CCP) se déroulera à Aix-en-Provence, le 21 mars, et comme les notes de la partition de Kandinsky, se succéderont les interventions ordonnées par le thème « L’efficace du transfert face aux symptômes ».

L’évocation des CCP est l’occasion de rappeler l’importance qu’y occupent l’étude méthodique des textes qui orientent la pratique, ceux de Freud et ceux de Lacan après lui, et l’opportunité de les faire vivre en les soumettant à l’épreuve des cas, où ils auront à démontrer leur opérativité et leur portée clinique. Ainsi formulés, c’est bien d’une praxis de la théorie que s’orientent les enseignements des CCP, mais la chose reste parfois bien difficile à concevoir.

L’expérience nous montre que, du fait d’une confusion entre lire les textes et théoriser, et du mode de pensée occidental qui repose sur un paradigme résistant, la dichotomie entre théorie et pratique, la praxis de la théorie se trouve soumise à des forces disjonctives. La tension entre aspect théorique et aspect pratique, c’est aussi celle qu’a connue l’histoire de la tradition du zen jusqu’à ce que, au XIIIe siècle, maître zen Dōgen plaide en faveur d’une étude intense et attentive des écrits bouddhistes qui ne diffère en rien de la pratique de la voie de l’éveil, insistant sur le fait que la réalisation de la voie n’est autre que la doctrine bouddhiste.

Lorsque Lacan, lors de son séminaire, conseille de lire le Parménide de Platon, il prévient qu’en le lisant à travers les commentaires universitaires, le risque est de le situer dans la lignée des philosophes. Pour éviter cet écueil, il invite ses auditeurs à le lire avec innocence, mettant ainsi l’accent sur la spécificité d’une lecture des écrits analogue à celle que pratique le psychanalyste du texte d’un analysant, c’est-à-dire congruente à la structure du langage et de l’inconscient, et permettant de dégager d’entre les lignes la logique d’un écrit dépouillé du voile du sens.

L’enseignement de Lacan dispensé à son séminaire nous est parvenu selon le principe qu’il avait choisi, par le biais d’une retranscription et même d’une réécriture par un tiers, Jacques-Alain Miller. Cette tradition, qui d’ailleurs se poursuit à l’EPFCL avec certains enseignants des CCP, constitue un dispositif intéressant, car il va dans le sens de ce que souligne, après Lacan, Alexandre Faure : le fait d’être entendu à côté. Souvenons-nous que c’est ce pas de côté dans l’entendement des symptômes des hystériques, cette « paranoïa réussie » de Freud qui a osé assumer de penser à côté, en rupture avec la médecine, qui a conduit à la naissance de cette nouvelle praxis, la psychanalyse. De même, n’est-ce pas le principe de base qui permet à un enseignement de prendre le risque ou d’avoir la chance, c’est la même chose, de produire des effets contingents, ni prédictibles ni maîtrisables, réservant ainsi une place à l’émergence d’un savoir inédit et à la survie du discours analytique ?

Pour en témoigner, rapportons cette expérience. Il arrive que l’écoute des enregistrements des séminaires de l’EPFCL, par exemple, couplée à une transcription ou une simple prise de notes, s’accompagne de moments fugaces, voire fulgurants, qui dévoilent une articulation nouvelle ou jette un éclairage nouveau sur la logique encore jamais aperçue du discours. Ce sont des moments précieux d’émergence d’un savoir. Il peut en aller de même en lisant les textes qui paraissent dans le Mensuel, aussi je vous invite à les lire… avec innocence.

Vous y découvrirez des textes sur la cure, sa fin, la place qu’y occupe le fantasme, et d’autres concernant les cartels, leur production, le cartel- lisant, pour reprendre le néologisme d’un des auteurs, les cartels de la passe et la question du plus-un, tous textes dont la bibliographie nous invite à nous replonger dans ceux de Freud et de Lacan. À travers les textes de la rubrique « Séminaire École » se déploie un questionnement sur les névroses de transfert, et sur la façon dont les psychanalystes tentent toujours de rendre compte de l’actualité de leur pratique, tout comme Lacan qui, trente ans après, critique le titre de sa thèse et y apporte une rectification fondamentale : « La psychose paranoïaque et la personnalité comme telle n’ont pas de rapport ; simplement pour ceci, c’est parce que c’est la même chose »… tout comme lire et pratiquer ? Alors, bonne pratique de lecture à tous !

Patricia Martinez

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Sommaire

Billet de la rédaction

Séminaires EPFCL à Paris
« Actualité de la névrose »

Transmission de la psychanalyse ?

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