Mensuel 081 Octobre 2013

Billet de la rédaction

Publication

Peu avant l’été est parue la cinquième édition du DSM (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux). On peut déjà y dénoncer une sorte de médicalisation de la vie ordinaire. En effet, l’ajout de nouveaux diagnostics et l’abaissement de certains seuils ont pour triste conséquence d’augmenter considérablement la proportion de sujets susceptibles de recevoir des diagnostics psychiatriques. Parmi les nouveautés du DSM-5, l’introduction d’une évaluation dimensionnelle visant à déterminer la gravité des symptômes retient particulièrement l’attention. En effet, l’approche « dimensionnelle », supposément plus flexible en regard de la traditionnelle approche « catégorielle », risque de bouleverser la pratique de nombreux professionnels habitués à penser en termes de syndromes et non de traits isolés. Désormais, le clinicien « cotera » la présence et la sévérité des symptômes pour certains troubles et bien sûr, suivant où est placé le curseur sur le continuum, le marché de la maladie psychique pourrait considérablement s’accroître.

Concernant les ajouts ou les modifications de diagnostics de nature inquiétante, relevons d’abord le trouble de dérégulation dit d’« humeur explosive ». Celui-ci s’appliquera aux sujets de 6 à 18 ans présentant une irritabilité persistante et des épisodes fréquents de manque de contrôle du comportement. Ensuite, le « trouble dysphorique prémenstruel », version sévère des variations d’humeur liées aux règles douloureuses, laisse quant à lui présager un début de pathologie du syndrome prémenstruel. Le cas de « l’hyperphagie boulimique » peut aussi surprendre. Selon ce nouveau diagnostic, visiter immodérément son réfrigérateur deux fois par semaine pendant trois mois est désormais pathologique !

Plus grave encore et particulièrement lourde de conséquences est l’abolition de « l’exclusion du deuil », une clause qui permettait aux personnes récemment endeuillées de ne pas être étiquetées du trouble dépressif majeur, à moins que les symptômes ne persistent au-delà de deux mois. En supprimant cette exclusion, on ouvre la voie à une médicalisation du deuil…

Arrêtons-nous là. Je vous laisse le « plaisir » de découvrir le reste par vous-même et, bien loin de cette triste recherche de normalisation et de banalisation du concept même de diagnostic, je vous propose de lire ce nouveau numéro du Mensuel, beaucoup plus subversif dans son contenu !

Vous y trouverez les quatre derniers textes du séminaire EPFCL, « Que peut-on savoir du savoir inconscient ? », qui avait lieu à Paris. Avec la lecture détaillée de deux passages du séminaire Encore, vous apprendrez ce que le mathématicien Villani fait de « ce savoir surgi de lui-même sans lui », ou encore vous découvrirez ce qu’est une interprétation « hasardeuse » qui ne cible que le réel. Puis viendront les textes de la soirée de clôture de ce séminaire qui ont permis un débat passionnant, que vous pouvez retrouver sur le site de l’EPFCL. Y ont été questionnés le rapport entre le savoir et l’amour, la notion d’invention de savoir, le « on » utilisé dans le titre du séminaire luimême, qui n’est pas sans lien avec le réel d’un savoir sans sujet, et enfin l’articulation possible entre un savoir-faire avec le réel de l’inconscient et la passe.

Puis ce seront les différentes interventions de la passionnante journée débat du 16 juin dernier. La matinée a été consacrée au débat d’École : sa passe, ses membres, ses commissions, et l’après-midi à l’articulation Collèges cliniques-Forum-École. La richesse de tous les exposés, leur rigueur permettant un rappel historique de la création de notre École ainsi que l’affirmation de la nécessité de la prise en compte de sa dimension internationale et de l’engagement de ses membres ont été quelques moments forts de cette rencontre.

Deux textes très émouvants rendent ensuite hommage à notre collègue Fulvio Marone disparu récemment.

Enfin, le Mensuel se termine par une chronique qui du père idéal au père symptôme nous annonce nos prochaines journées nationales.

Alors, bonne rentrée et bonne lecture !

Didier Grais

SOMMAIRE

Billet de la rédaction

Séminaire EPFCL à Paris 2012-2013

Que peut-on savoir du savoir inconscient ? 
Patricia Zarowsky, « Le signifiant est signe d’un sujet »
Nicolas Bendrihen, Le trou noir
Françoise Josselin, Le vrai S1
Colette Soler, Lalangue et l’ordre langagier

Soirée de clôture du séminaire
Claude Léger, Savoir, contingence et destin
Marc Strauss, Deux questions
Martine Menès, Qu’est-ce qu’« on » peut savoir de l’EPFCL ?
Jean-Pierre Drapier, Que peut-on savoir du savoir inconscient du passant ?

Journée débat d’École du 16 juin 2013

Débat d’École : sa passe, ses membres, ses commissions 

Vicky Estevez, Interrogations
Michel Bousseyroux, La troisième
Albert Nguyên, Lacan, encore !
Colette Soler, De la possibilité d’une école

Articulation Collège clinique-Forum-École

Bernard Nominé, Introduction au débat
Marc Strauss, Les relations avec les autres associations de psychanalyse

Hommage à Fulvio Marone
Michel Bousseyroux, Hommage à Fulvio
Albert Nguyên, Un voyage à Naples