Mensuel 051 – Avril 2010

Introduction

Mireille Scemama Erdös

« Aimons donc, aimons donc ! De l’heure fugitive, Hâtons-nous, jouissons ! » Alphonse de Lamartine, « Le lac », dans Méditations poétiques, 1820.

« On se rencontrait certains soirs dans mon appartement, on discutait selon certaines règles, on s’efforçait de s’orienter dans ce domaine de recherche déconcertant de nouveauté. » C’est ainsi que Freud 1 propose en 1902 à ceux qui le suivent une structure de travail.

Le 18 mars 1980, Lacan à son tour s’adresse à ses élèves : « Allez-y. Mettez-vous à plusieurs, collez-vous ensemble le temps qu’il faut pour faire quelque chose, et puis dissolvez-vous après pour faire autre chose. »

Pour Lacan, dès l’« Acte de fondation » de l’EFP en 1964, le cartel est un organe de base de l’École qui a pour fonction de mettre au travail les questions de chacun concernant la psychanalyse. En 1980, il en affine la formalisation 2 : « Quatre se choisissent, pour poursuivre un travail qui doit avoir son produit […] [Il convient de souligner]  : produit propre à chacun, et non collectif ». Ce « quelque chose » dont nous parle Lacan est un produit propre à chacun. Le cartel est non pas une structure d’enseignement mais une élaboration. Travail de chacun, ce qui n’empêche pas la mise en commun.

La soirée des cartels est une modalité de cette mise en commun du travail de chacun qui permet la transmission et l’échange. Dans ce numéro, vous trouverez l’’intégralité des trois interventions qui ont animé la soirée des cartels du 12 février à Paris.

Dans son livre Lacan, l’inconscient réinventé 3, Colette Soler consacre un chapitre sur « Les noms de l’identité », dont le nom patronymique. Dimitra Kolonia, quant à elle, se questionne et nous questionne, à partir du matériel clinique détaillé de cinq séances d’un petit garçon de 7 ans suivi en CMPP, sur l’usage que fait l’enfant du nom de son thérapeute, de l’utilisation de ce nom dans une construction et de son incidence dans le passage à l’écriture.

Lacan a forgé l’ordre imaginaire à partir de l’éthologie animale, car ce qui guide l’animal c’est l’image. Le travail de Patricia Gavilanes, « Animalité et psychose infantile », est une interrogation sur le « se faire animal », c’est-à-dire l’absence de médiation symbolique, à partir d’observations cliniques d’enfants autistes dans un hôpital de jour.

Nadine Naïtali interroge le statut des voix chez l’enfant. Après un rappel théorique des avancées de Freud et de Lacan sur cette question, elle va distinguer par deux exemples cliniques la voix surmoïque de l’hallucination. Par son questionnement, elle rejoint le thème du séminaire Champ lacanien 2009-2010. Deux textes en sont issus.

Désir et jouissance du surmoi ne font pas toujours bon ménage. La clinique en témoigne. Wanda Dabrowski suit les cheminements de Freud et de Lacan afin de développer comment « prendre en compte ce que la parole ne dit pas, à savoir la jouissance ».

Jean-Jacques Gorog nous propose un travail en continuité avec ce qu’il avait présenté l’an passé sur la distinction entre surmoi et idéal du moi. À partir du titre du chapitre « Le surmoi (idéal du moi) » de « Le moi et le ça » de Freud, il va saisir la nouveauté du surmoi chez Lacan, surmoi qui s’ordonne des commandements de la parole, surmoi qui dit « Jouis ». Statut de la voix que l’on peut rapprocher des remarques sur les monosyllabes anglaises (top, bip), qui envahissent le discours actuel, de Claude Léger dans sa chronique, avec son regard curieux et pertinent sur le monde qu’il met en relation avec l’histoire de la psychanalyse.

Le REP est au travail et il produit ! Dans ce cadre, Daisy Marie Selin questionne la marque du signifiant chez le sujet autiste, point qui permet d’affiner le diagnostic entre autisme et psychose infantile.

Eh bien, voilà pour ce numéro d’avril, dont je dirai que c’est L’Éveil du printemps ! Petit clin d’oeil pour vous rappeler que cette pièce, que Freud commenta 4, se joue actuellement au théatre 5. Bonne lecture. .

1. S. Freud, « Contribution à l’histoire du mouvement psychanalytique », chapitre II, dans Cinq leçons sur la psychanalyse, Paris, Payot, 1966.
2. J. Lacan, « D’Écolage », Ornicar ?, n° 20-21, 1980, p. 14-16.
3. C. Soler, Lacan, l’inconscient réinventé, Paris, PUF, 2009, p. 92.

Sommaire

Mireille Scemama Erdös : Introduction

Séminaire Champ lacanien 2009-2010 : Actualité du surmoi
Wanda Dabrowski : Le surmoi et le désir
Jean-Jacques Gorog : Le surmoi freudien composite et la jouissance selon Lacan

Cartels : Psychanalyse avec les enfants
Dimitra Kolonia : La question du nom dans la cure d’un enfant
Patricia Gavilanes : Animalité et psychose infantile
Nadine Naïtali : Ces voix que les enfants disent entendre 

REP : Réseau enfants et psychanalyse
Daisy Marie Selin : Le diagnostic de structure clinique chez l’enfant 

Chronique
Claude Léger : Petits riens