Mensuel 025 – Mai 2007

Introduction

Par Anne Meunier

Le champ de l’être, cerné par l’amour ?

L’amour, l’amor, la mort, au temps de la psychanalyse, cela pourrait-il lier les textes de ce numéro printanier du Mensuel comme une botte avec un brin de paille, par la plume de l’éditorialiste ?

Poser le problème de l’amour de la vie, du « tout qui reste à dire », après la rencontre du réel intraitable qu’est la mort d’un enfant ? C’est ce que fait Philippe Forest dans son essai Tous les enfants sauf un. Avec le secours qu’il trouve dans l’écriture, il témoigne, de même que le psychanalyste, selon Marie- José Latour, de ce qu’il faut de désir pour soutenir le dire. Poser le problème de la mort annoncée, à l’approche, en optant pour l’amour, en faisant reculer la vieillesse qui saurait y renoncer ? Matilde Hurlin-Uribe, montre comment, dans L’amour au temps du choléra, Gabriel Garcia Marquez se défait, via l’écriture, de la tentation de mettre fin à ses jours, solution morte avec le suicide d’un de ses personnages.

Poser le problème de l’amour pour le père et du retournement de la pulsion ? C’est en décortiquant le texte de Freud « On bat un enfant », jugé « d’une sublimité totale » par Lacan, qu’Elizabeth Léturgie fait valoir comment avec « les belles histoires » d’Anna, la fille de Freud posait sa question. S’interroger sur les ruptures et les interruptions d’analyse, pour l’amour ? Françoise Lespinasse en témoigne avec sa clinique, lorsque la fonction d’agalma dévolue à l’analyse est transférée sur un partenaire amoureux qui, lui, répond à l’attente de réciprocité. Ce ne sont pas des histoires de cas embellies ou mythifiées ! Et cela ne se pose pas non plus en terme d’empathie, de mimiques, de gestuelle, de contact en face-à-face, comme le prône le chantre des thérapies comportementales et cognitives, dont Claude Léger nous donne, avec un humour noir, les références fondatrices.

Si la maladie d’amour court toujours, si l’attente de réciprocité est déçue dans l’analyse, c’est bien qu’elle n’est pas une confession réciproque. Christine Christien-Prouet explore les impasses de la double exigence d’amour et devérité de Ferenczi vis-à-vis de Freud, et sa conception de la cure qui amènerait l’analyste à « pour ainsi dire mourir d’épuisement ». On peut y voir une intuition du deuil que doit faire l’analyste en identifiant « la perte réelle, pièce à pièce (…) jusqu’à épuisement ». Et c’est tout le mérite d’Anita Izcovich de déployer l’élaboration de Lacan : de la « réduction mentale de la fonction du signifiant » jusqu’à la bascule de l’idéal dans la déjection, soit le passage de l’analysant à l’analyste.

De ce passage les cartels de la passe recueillent le témoignage. Comment limiter les effets de groupe à l’oeuvre pour ceux qui partagent un même amour de transfert ? Tenant compte du contexte actuel de notre Ecole, Colette Soler ouvre une nouvelle perspective aux cartels de la passe.

Avec Rimbaud, Freud et Lacan, Josée Mattei pointe combien la psychanalyse donne accès à une identité en connaissance de cause. Elle note combien ce n’est pas sans effets politiques. On pourrait en effet en juger ne seraitce que par l’amour et la haine qui se déploient au temps des élections.

Sommaire

Séminaire d’École
Anita Izcovich – Fonctions de l’Agalma.
Françoise Lespinasse – « Passer aux instincts sauvages les rênes du transfert… »?
Claire Christien-Prouet – Freud – Ferenczi.

Autres textes
Elisabeth Léturgie – On bat un enfant ?
Colette Soler – Cartel d’École

Introduction aux journées de l’EPFCL de décembre 2007
L’identité en question dans la psychanalyse
Josée Mattei – Note 4 : En connaissance de cause.

Lectures
Marie José Latour – Le réel est intraitable, et pourtant !
Matilde Hurlin-Uribe – Qu’a dit sur la mort Gabriel Garcia Marquez ?

Chroniques
Claude Léger – Des nouvelles de l’« immonde » 5 : Le retour de l’empathie.