Mensuel 021 – Janvier 2007

Introduction

Par Josée Mattei

« […] la jouissance est un mal. Freud là-dessus nous guide par la main – elle est un mal parce qu’elle comporte le mal du prochain. […] Cela a un nom – c’est ce que l’on appelle l’au-delà du principe de plaisir. » L’éthique de la psychanalyse, 1959-1960, Seuil 1986, p. 217. 

« L’important, quand je dis qu’on ne jouit que de l’Autre, est ceci : c’est qu’on n’en jouit pas sexuellement – il n’y a pas de rapport sexuel – ni n’en est-on joui – vous voyez que “ lalangue ”, […], qui est pourtant bonne fille, ici résiste, elle fait la grosse joue. On en jouit, il faut bien le dire, de l’Autre, on en jouit “ mentalement”. » « …Ou pire », 1971-1972, séminaire inédit, leçon du 8 mars 1972. 

Le thème de ce premier numéro de l’année, le 21ème, traite de la jouis- sance : jouissance au cœur du sujet parlant, intrication du vivant et du lan- gage, la jouissance au-delà du principe de plaisir. Le mythe freudien mar- que le temps de la jouissance absolue, le temps d’avant l’Œdipe, d’avant la loi.

Question que chaque intervenant au séminaire du champ lacanien dont le titre est « Le sujet et les jouissances » dépliera à sa façon. Michel Bousseyroux et Patricia Dahan ont inauguré ces soirées. J’ai relevé quelques traits de leurs interventions ainsi que des textes suivants. Michel Bousseyroux met en avant le pluriel « des jouissances » et donc la non universalité de la jouissance. Les trois jouissances dépliées : jouissance phallique, jouissance du sens (de l’Autre) et jouissance Autre correspondent aux trois trous topologiques qu’il faut pour s’étreindre. La jouissance manque à l’origine du sujet parlant. Le signifiant «négative » la chair et rend le corps désert de jouissance. Le a, comme coupure, manque pour faire rapport sexuel. La jouis- sance du manque c’est la sublimation car c’est l’art d’accommoder les res- tes, de rogner sur le Un de la jouissance.

Puis il est question de la jouissance phallique. En lieu et place du quanteur d’exception répond sur le plan topologique « l’au moins un point d’adhérence ». C’est la jouissance phallique limitée par la castration qui fait qu’Achille, aussi près qu’il s’approche de Briséis, la rate.

Le pourtout x, et le pastout ne peuvent être réduits à un dualisme : champ fini (phallus) et champ infini (le pastout). Et Michel Bousseyroux de déplier avec rigueur en se servant de l’axiome de Borel-Lebesque, cf. Lacan dans Encore, que le pastout à distinguer de l’hystérie n’est pas sans finitude et peut recouvrir, au un par un, la faille.

La contribution de Patricia Dahan, intitulée : «Sens, jouissance et semblant», reprend le parcours de Lacan pour arriver à la topologie, et aux nœuds, nécessaire trouvaille à son élaboration théorique. Dans le sens (le langage) gîte la jouissance (lalangue, cf. « Le savoir du psychanalyste ») c’est ainsi qu’en réduisant le sens par l’interprétation équivoque, on réduit la jouissance à une épure symptôme non sans toucher au réel. Il y a néces- sité à s’y coller, à ce nœud, même si, nous dit-elle, citant Lacan, il est impossible à savoir puisqu’il fonde le refoulement originaire.

Giselle Biasotto-Motte se sert de la conférence de Colette Soler (17 décembre 1983) parue dans Quarto n°16 – mai 1984, « Le corps dans l’en- seignement de Jacques Lacan » ainsi que de son séminaire L’en-corps du sujet afin de rendre compte – tout n’est pas langage – de l’intérêt que la psychanalyse porte au corps par l’intermédiaire du signifiant. Quelle place occupe-t-il en psychanalyse ?

Christian Demoulin nous parle de l’intérêt que Lacan a porté à la pul- sion de mort contrairement à certains postfreudiens – qui n’y croyaient pas. Elle est ce qui différencie l’humain de l’animal, je cite «L’homme est un ani- mal suicidaire ». En passant par la philosophie, Empédocle, par les mythes, Narcisse et Œdipe et les différentes élaborations de Lacan qui ne se contredi- sent pas mais se complémentent, il débusque pour nous les diverses modali- tés qu’a la pulsion de mort pour se représenter. La morsure signifiante est ce qui permet de vivre tout en étant ce dont le sujet se dit pâtir.

Le texte de Madeleine Janet est un manifeste pour la psychanalyse, ou une prise en compte du discours analytique contre le discours de la science. Je cite : « Sans doute la psychanalyse permet-elle de cesser de cou- rir après les “ faux biens ” et les faux bonheurs… »

Nous terminons enfin ce Mensuel par un témoignage de André Leveaux.

André Leveaux nous fait part de son expérience de passeur. Un ren- dez-vous entre passeur et passant ou un passeur sachant passer ? Pas de réponses formelles nous dit-il, pas une analyse, pas un contrôle mais une écoute. Un rendez-vous à ne pas manquer. Et une responsabilité à « témoi- gner » de l’entendu du passant. La certitude se trouve-t-elle être du côté du passant ? 

Sommaire

Séminaire Champ Lacanien
– Michel Bousseyroux – L’espace du s’étreindre et son nœud.
– Patricia Dahan- Sens, jouissance et semblant.

Autre texte
– Christian Demoulin – Jouissance et pulsion de mort.

Extraits d’un après-midi des Forums
Corps et symptôme dans le malaise contemporain

– Giselle Biasotto-Motte – Pourquoi s’intéresse-t-on au corps
dans la psychanalyse ?

– Madeleine Janet – La psychanalyse dans la société contemporaine.

Séminaire Ecole 2005-2006
– André Leveaux – Du calme de l’urgence.