Mensuel 087 – Avril 2014

Billet de la rédaction

La formule du séminaire de Paris commence à être connue. Trois
intervenants proposent leur lecture (rapide) d’un extrait du séminaire
Encore de Jacques Lacan. L’un d’entre eux le fait en lien direct avec l’énoncé
de l’extrait choisi. Dans ce numéro, nous pouvons lire le travail de deux
séances du séminaire, soit six personnes, correspondant à des extraits des
pages 44 puis 48 du séminaire.

Il se dégage naturellement une cohérence entre les textes d’une même
série d’intervenants ; ainsi, Marc Strauss, Lydie Grandet et Anita Izcovich
déclinent chacun à sa façon la difficile question de la joui-sens comme exsistence.
Patricia Zarowsky, Éliane Pamart et Carlos Guevara se penchent sur
la volonté de Lacan de situer l’amour au-delà du champ narcissique.

Marc Strauss questionne le par-être et note le basculement qu’opère
Lacan. D’un côté il y a l’être fuyant par la voie du sens, qui se barre et se
barre à lui-même – S(A barré) -, il n’est plus que manque à être. Et d’un autre
côté, à l’inverse du paraître, il y a l’être à côté, que l’analyste peut faire
plus que supposer, il peut le reconnaître, dans les formations de l’inconscient
en tant qu’elles peuvent se formuler comme effet d’écrit.

Que le patient saisisse son être de par-être qu’il est ne fait pas la fin
de l’analyse. Il doit être articulé à l’inexistence du rapport sexuel, ce qui
ne va pas sans en passer par l’hypothèse dieure. Dieu comme Autre est plus
une affaire de dire que de vérité.

Partant d’une lecture « à l’oreille » des interventions de Lacan, Lydie
Grandet rappelle que le sens se définit comme la copulation du langage
avec notre propre corps. Une copule par le langage (à commencer par le
verbe être), qui fait suppléance à l’inexistence du rapport sexuel, qui signe
notre division à nous-même et nous condamne à la représentation.

Le psychanalyste, dans son écoute de la joui-sens chez le patient et
ses interventions sur la morphologie des mots, l’entraîne sur le chemin de
s’avoue-rité, jusqu’au bord du non-rapport-sexuel, du mi-dire et du savoir
sans sujet. Dans cette expérience peut s’extraire la lettre du sinthome, ce
bout de réel qu’il lui reste encore à Un-carner.

L’ex-sistence est pour Anita Izcovich ce qui entre dans le désir de
l’analyste et qui peut s’entendre dans le témoignage des passants, comme
ce qui aurait fait l’histoire du sens qu’il a donné à l’inexistence du nonrapport
sexuel. Pour étayer son propos, elle articule « l’hypothèse Dieu » à
la jouissance hors signifiants et hors phallus de sainte Thérèse d’Avila. Une
jouissance bel et bien éprouvée qui met sur la voie de l’ex-sistence, et dont
la clinique de la psychose témoigne assurément.

Patricia Zarowsky déplie la question de l’amour, qui rate à combler le
manque à être en même temps qu’il y fait suppléance. Mais l’amour peut
faire rencontre, car il vise le sujet marqué par le signifiant du manque. Elle
s’interroge sur l’hypothèse du fantasme qui articulerait ce sujet barré à son
manque à être. Surtout, elle éclaire le ressort de l’amour qui fait rencontre
entre les modes de jouissance, les savoir-faire avec le manque. Ces marques
d’altérité font signe (de désir) d’un sujet auprès d’un autre sujet. Ainsi,
c’est par ce point de réel du signe chez un sujet que l’amour supplée au
non-rapport.

Éliane Pamart nous présente l’amour et son partenaire intime, la
haine. À la différence de l’amour qui vise le sujet, la haine, elle, s’adresse
à l’être, elle vise et dénonce la jouissance de l’être, dans ce point de réel
qui touche à son rapport à la parole. Un point de non-retour à la subjectivité
de l’autre.

Carlos Guevara insiste sur la détermination de Lacan à situer l’amour
au-delà du champ imaginaire. Il relève d’un pacte symbolique qui vise l’être
du sujet aimé à partir de ce qui fait signe et qui est pur effet du signifiant.
L’amour est une des voies de réalisation de l’être, les deux autres étant celles
de la haine et de l’ignorance.

En passant par une relecture du Séminaire I, Carlos Guevara nous
donne les avancées de Lacan sur l’amour, ce qui sort la question de l’être
du traitement philosophique. Lacan propose à la place, d’une part le parêtre,
d’autre part l’Un, à entendre comme élément singulier d’une série.
L’être est ramené à sa dimension de pur signifiant.

Ce numéro se finit sur un avant-gout des rencontres de travail qui
nous attendent en juillet prochain, sur « les paradoxes du désir », avec
deux courts textes de Ricardo Rojas et de Beatriz Zuluaga.

Enfin, en parenthèses entre le séminaire de Paris et les journées de
juillet 2014, se faufile le texte de Manuelle Krings, qui nous fait entrer dans
l’art de punir au sein d’une institution thérapeutique qui accueille des
adultes psychotiques. Elle nous propose une analyse aussi rigoureuse qu’inventive
pour penser une éthique de la sanction, laquelle prend en compte
l’agir de la personne et l’articule à un dispositif institutionnel et de parole
qui respecte le temps pour comprendre.

Claire Duguet

SOMMAIRE

Billet de la rédaction

Séminaire EPFCL à Paris – Jouissance, amour et satisfaction

– Marc Strauss, L’aire de jeu
– Lydie Grandet, Effet d’écrit du langage
– Anita Izcovich, De l’inexistence à l’ex-sistence
– Patricia Zarowsky, Le ressort de l’amour
– Éliane Pamart, De l’amour à la haine
– Carlos Guevara, De la visée de l’amour

RIP : Réseau institution et psychanalyse

– Manuelle Krings, Existe-t-il un art de punir en milieu thérapeutique ?

IVe Rencontre internationale de l’EPFCL 2014
Les paradoxes du désir

Préludes
– Ricardo Rojas, Désir-de-savoir et Entzweiung du sujet
– Beatriz Zuluaga, Éthique du désir

Bulletin d’abonnement 

Pdf du Mensuel

Anciens numéros