Hystéries
Hystéries ? Le terme est ancien. Il apparaît dans un texte médical de l’Égypte antique1, puis est utilisé par Hippocrate2. Il désigne une affection de la matrice, hystera, et signale que très tôt la médecine a l’intuition de sa dimension sexuelle.
Ses formes cliniques varient au gré des époques. On peut s’interroger sur la part sexuelle implicite dans ses manifestations : extases mystiques, possessions démoniaques, contagions, identifications, folies…
Cette pluralité semble démontrer qu’il ne s’agit pas d’un tout, en dépit de certains phénomènes collectifs.
Avec le rationalisme du XIXe siècle et notamment Charcot, l’hystérie suscite un regain d’intérêt. Sa dimension sexuelle s’en trouve renouvelée avec l’idée qu’elle n’est pas propre à un seul sexe, variation qu’il serait intéressant d’interroger lors de nos Journées nationales.
Le pas de Freud est décisif. L’offre d’écoute avec la mise en place de la talking cure et la prise en compte de l’inconscient signent l’invention de la psychanalyse. Elles révèlent ce qu’il y a de plus intime chez les hystériques, leur sexualité : selon Freud, elle joue un rôle prépondérant dans cette névrose. On peut dire que Freud s’est laissé enseigner par ce qu’il a entendu au cas par cas. L’accent est mis sur les symptômes de chacun, singuliers : n’est-ce pas ce qui atteste qu’il n’y a pas une mais des hystéries ? Autre pluralité.
Lacan fait un pas de plus. Il dégage une thèse inédite et complémentaire au symptôme comme métaphore de Freud, celle du symptôme joui. Si Freud avance une jouissance propre au sujet, avec le développement par Lacan du concept de jouissance, nous passons du champ freudien de la parole et du langage au champ lacanien3. La psychanalyse propose une nouvelle approche de la question hystérique et Lacan opère un virage en la désignant comme structure de discours. Comment comprendre ce concept ?
Dans « Radiophonie », en 1970, Lacan souligne la propension des hystériques à interroger le désir de l’Autre comme tel, c’est-à-dire à inciter le maître à produire un savoir4, interrogation recelant leur propre manque. En retour, il apparaît qu’une « hystérisation » se révèle nécessaire à toute entrée en analyse. En 1976, Lacan introduit une autre notion, celle d’« hystorisation5 », en lien avec la procédure de la passe. Que dire de ces déclinaisons de l’hystérie ? Quel changement apportent- elles dans la direction des cures et leur conclusion ?
Aujourd’hui, qu’en est-il des hystéries ? Quelles en sont les formes contemporaines et quelles figures modernes du maître se trouvent questionnées ? Notons qu’elles ont disparu des manuels de nosographie psychiatrique. Comment les débusquer derrière la sémiologie actuelle : Burn-out, bipolarités, dépressions, somatisations… ? Que dire des conversions hystériques et comment les jouissances affectent-elles les corps ?
Nous constatons que les psychanalystes restent un lieu d’adresse pour les nouvelles générations. Une question se pose : savent-ils toujours profiter de la « formation permanente6 » que les hystériques leur offrent ?
À notre époque où les avancées technologiques et scientifiques régissent nos sociétés, que penser de ce propos de Lacan dans « Radiophonie » ? : « Si paradoxale qu’en soit l’assertion, la science prend ses élans du discours de l’hystérique7.»
Irène Tu Ton
Podcasts
À l’occasion de ces Journées, nous vous proposons une série de podcasts.
Commission scientifique
Irène Tu Ton (Responsable des Journées)
Jean-Michel Arzur
Claudine Beaussier
Bernard Brunie
Nadine Cordova
Didier Grais
Céline Guégan-Casagrande
Colette Sepel
Commission d’organisation
Céline Guégan-Casagrande (Responsable de l’organisation)
Vanessa Brassier
Hélène De Lima Dutériez
Camilo Gomez
Adrien Klajnman
Lucile Mons
Christine Netzer
Pierre Perez
Christine Silbermann
- 1. Papyrus El-Lahoun daté de 1900 avant J.C.
- 2. Hippocrate, Traité Des maladies des femmes, Oeuvres Complètes, VIII, trad. E. Littré, Paris, J.-B. Baillière, 1853.
- 3. J. Lacan, Le Séminaire, livre XVII, L’Envers de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1991, p. 93.
- 4. J. Lacan, « Radiophonie », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 436.
- 5. J. Lacan, « Préface à l’édition anglaise du Séminaire XI », op. cit., p. 573.
- 6. J. Adam, « Les ciseaux de l’hystérique », Revue de Psychanalyse du Champ lacanien, n°1, Paris, EPFCL, mars 2004, p. 68.
- 7. J. Lacan, « Radiophonie », op. cit., p. 436.