Mensuel 095 – Mars 2015

Billet de la rédaction

La fureur du début de l’année n’est pas encore totalement éteinte que déjà le « monde » passe à autre chose… Traduction dans le réel du malaise de notre civilisation. Notre époque, phare d’une modernité, qui se voudrait sans limites, héritée de tous les progrès de la science, se pare aussi de tous les dévoiements qui en découlent. Et des discours dont Lacan a formalisé les liens sociaux, il en est un qui devient particulièrement assourdissant actuellement, quel que soit le canal qu’il emprunte. Le discours capitaliste et ses avatars conduisent à un délitement des liens sociaux, à un laminage de ce qui fonde notre humanité ; par la (re)montée des idéologies totalitaires et ségrégationnistes, mais aussi par les logiques libérales et financières qui ravalent la valeur de l’humain à celle… d’une pomme… mais quelle Pomme ! La pomme de la discorde ? Ou plutôt celle qui vaut 10 milliards de dollars au trimestre ! Qui dit mieux ? !

Marc Strauss, dans son texte intitulé « Procès de ségrégation ou apartheid ? », en ouverture du Mensuel, nous rappelle que ce qui fonde notre humanité n’est justement pas de l’ordre de l’universalisation mais bien plutôt de la prise en compte de la singularité d’un sujet et du pacte de parole qui le lie aux autres ; parole qui assigne à tous des limites au sein même des groupes sociaux. Face au malaise de notre civilisation, « ségrégatif et universalisant », la psychanalyse, par son discours, représente une option à l’opposé de la négation de l’autre.

La psychanalyse comme ce qui peut permettre à la « singularité de se dire »… singularité qui se déploie dans un espace-temps propre à chacun, espace-temps logique pour se dire, pour que surgisse ce qu’il en est de l’inconscient, du rapport du sujet au réel.

Dans la deuxième partie du Mensuel, les deux textes du séminaire de l’epfcl-Paris poursuivent le voyage entrepris sur « la durée des analyses, ses raisons ». Elisabete Thamer nous introduit à ce qui permet de conclure une analyse ou inversement à ce qui l’en empêche, dans son texte « La durée des analyses : raisons et contingences ». Ces raisons peuvent être plurielles et relever de l’analysant, de l’analyste, de la structure ou du réel. La conclusion d’une analyse, nous dit-elle, suppose une remise en question du savoir, c’est-à-dire un changement radical du sujet quant au savoir. Jean-Michel Arzur, dans son texte « Être dans la hâte », oriente son travail sur ce qui pousse à la sortie malgré le pousse à dire, répétitivement relancé. Il rend compte de la fin de l’analyse quand elle est structurée par la fonction de la hâte.

Dans la troisième partie, trois textes illustrent la singularité du dire autour d’un effet du réel particulier : « le choix du sexe ». Ils ont été présentés à l’occasion d’une après-midi inter-pôles du Sud-Est, organisée à Aix-en-Provence le 8 novembre 2014.

Le choix du sexe est une question qui ne cesse de faire parler et cogiter, à notre époque plus qu’à toute autre sans doute, eu égard à l’évolution des moeurs et aux revendications de nouvelles « identités » sexuées. Inflexions du discours capitaliste, effets du malaise dans la civilisation du xxie siècle… ? En tout cas, question essentielle pour un sujet, qui vient dire quelque chose de son être et de sa rencontre à l’autre.

Lacan nous dit que tout être parlant a le choix inconscient de s’inscrire d’un côté ou de l’autre de la position phallique. Alors qu’en est-il de cette « insondable décision de l’être », solution subjective qui marque la différence, sans s’extraire tout à fait du rapport à la castration ?

Christophe Charles évoque ce qu’il en est de l’indicible, l’impossible à dire quant au sexe, dans son texte « La mâle-diction phallique du parlêtre : quels choix ? ». Simone Milani-Meyer, dans son écrit intitulé « Le sexe, pas sans le corps », nous parle d’un incontournable de réel de corps au sujet de la différence des sexes, bien que celle-ci n’apparaisse pas dans l’inconscient (il n’y a pas de signifiant pour la dire, pas de signifiant pour dire l’être de la femme). Lina Puig, dans son travail « Choix du sexe et homosexualité féminine », examine ce qu’il en est du choix d’objet sexuel et ce qui le distingue du choix du sujet quant à son sexe, c’est-à-dire de son mode de jouissance.

Enfin, Patricia Zarowsky apporte une conclusion avec « Ce que l’identification a à faire avec l’amour ». Son travail vient faire écho à l’introduction de Marc Strauss dans ce qu’il évoque des liens sociaux : l’identification à l’autre par l’amour, comme ce qui vient favoriser la civilisation, la culture et l’altruisme, selon les avancées différentes de Freud et de Lacan. Identification qui peut parer au délitement des liens sociaux que produit le discours capitaliste associé à certains excès des avancées de la science.

Isabelle Boudin

Sommaire

Pdf du Mensuel (en accès restreint à cause d’un article)

Billet de la rédaction Considérations actuelles

Marc Strauss, Procès de ségrégation ou apartheid ?

Séminaire EPFCL à Paris – « La durée des analyses, ses raisons »
Elisabete Thamer, La durée des analyses : raisons et contingences
Jean-Michel Arzur, Être dans la hâte (en accès restreint par décision de l’auteur)

« Le choix du sexe »
Christophe Charles, La mâle-diction phallique du parlêtre : quels choix ?
Simone Milani-Meyer, Le sexe… pas sans le corps
Lina Puig, Choix du sexe et homosexualité féminine

Autre texte
Patricia Zarowsky, « Ce que l’identification a à faire avec l’amour »

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