Psychanalyse et Religion

05 - 06 décembre 2009

Palais des Congrès, Paris

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Psychanalyse et Religion

PSYCHANALYSE ET RELIGION

La montée de la religion est maintenant avérée et le fait religieux est aujourd’hui partout sur la sellette. La psychanalyse, dont la pratique est solidaire de l’état de la civilisation, est nécessairement partie prenante et ne saurait pas plus contourner sa question qu’elle ne peut ignorer la science, sa nature et ses effets. Le temps n’est plus où Freud pouvait espérer que la rationalité scientifique sous l’idéal de laquelle il plaçait la psychanalyse, vienne à bout de l’illusion religieuse. On en serait plutôt aujourd’hui à savoir que de science à religion ce n’est pas une alternative et que l’institution religieuse est parfaitement capable d’assimiler le fait de la science, voire de s’en appuyer et d’y trouver un nouvel élan. Au demeurant, la porte d’entrée freudienne, inscrite dans le fameux titre « L’avenir d’une illusion », n’opposait pas seulement savoir et croyance, elle diagnostiquait dans la foi religieuse rien moins qu’une faiblesse éthique, soit un recul à l’endroit du réel. Simpliste peut-être, mais il serait simpliste aussi et également inexact, de réduire Freud à cette thèse, en oubliant notamment son Moïse et le Monothéisme. Il y élevait la question du dieu unique, qui est une toute autre question que celle de la croyance, au statut de problème théorique de la psychanalyse, et qu’il a poussé jusqu’au tourment. Un bilan de la position freudienne ne serait donc pas de trop et permettrait en outre de saisir l’écart avec Lacan, d’étudier leur conception respective de dieu. D’où le sous-titre que nous avons choisi : Les dieux de Freud et de Lacan. S’il y a une porte d’entrée lacanienne dans la question ce n’est pas celle de la croyance, ou de la foi. Ce serait plutôt celle de l’hypothèse dieu. Il est un fait, c’est que l’on ne connaît pas de cultures sans dieu, que ce soient ceux du paganisme ou des trois grands monothéismes. Il faut donc bien supposer que l’hypothèse dieu n’est pas contingente, qu’elle est appelée, produite par la structure. D’où : – les affirmations de Lacan plaçant la littérature des Pères de l’église statuant sur dieu, non pas au compte de la croyance mais de la plus haute rationalité, et sans doute peut-on dire de même de toutes les théologies. – la mise au pluriel de dieu, main dans la main avec Blaise Pascal, distinguant le dieu des philosophes et celui des prophètes (1). D’un côté, le sujet supposé savoir que Descartes convoque comme garant des mathématiques, latent en toute théorie fût-elle celles des théologiens, et corrélat de tout savoir insu ou encore à venir. De l’autre côté, le dieu des prophètes qui est fonction de parole (autre structure), celui du dire d’où se lève le double spectre d’un désir ou d’une jouissance obscurs. L’Urverdrängt de Freud, le refoulement originaire inhérent à la parole, est un nom de dieu. Ce que Lacan reformule : dieu est inconscient – c’est un autre de nos sous- titres. Il est, dit Lacan, « le refoulement en personne. Il est même la personne faite refoulement». Autrement dit : « la religion est vraie » qui dit « qu’il ex-siste (2) ». Dans tout ça, rien qui exige la foi, rien qui distingue le croyant des supposés non croyants, mais le nom de dieu, incontournable dans la structure. Autre façon qu’à Lacan de le dire : le scandale, que la psychanalyse seule révèle, c’est que tout le monde y croit sans le savoir, du seul fait d’être parlant. On est aux antipodes de « l’illusion » freudienne réservée à ceux qui n’auraient pas le courage du réel, et une « Dio-logie (3) », une logie de dieu est possible, qui n’exige pas de croire, mais de mettre à jour la structure. Il n’empêche, il y en a des qui se disent croyants, qui disent rencontrer dieu, connaître le sentiment océanique qui interpellait tellement Freud, et d’autres qui se disent… mécréants. En outre, le poids, la place de la dit-mension religieuse dans la culture est sujette à l’histoire, on ne le sait que trop. Le moment actuel n’est pas seulement marqué par la montée de la religion, mais par celle des fondamentalismes et de leur instrumentalisation politique, qui en diffère. D’où le rebond de la dispute entre les prétentions respectives des trois grands monothéismes, dont l’évaluation analytique est loin d’être aboutie, et qui pose à nouveau la question de la fonction non seulement sociale mais subjective de la religion. En octobre 1974, dans une conférence de presse tenue à Rome, Lacan annonçait le triomphe de la religion-il parlait de la religion romaine-comme triomphe du sens sur le réel, spécifiquement le réel insupportable, hors sens, que la science nous fabrique. Autrement dit, comme il a pu le dire ironiquement, on ne le savait pas alors, mais Galilée travaillait pour le Pape. Cette référence au réel, avec l’idée implicite de la religion comme défense, consonne avec la thèse freudienne-au delà des différences, car Lacan en déduisait que la religion est increvable, alors que c’était pour Freud une raison de placer des espoirs dans le courage de l’esprit scientifique. Mais alors, la psychanalyse peut-elle être athée, comme le demande notre troisième sous-titre, elle qui procède par la voie du donner sens au réel, le réel auquel elle a affaire, qui n’est pas celui de la science mais celui des impasses de la jouissance sexuelle ? Qu’elle le puisse, c’est ce que nous semblons prétendre quand nous parlons de la chute du sujet supposé savoir à la fin du processus d’une analyse. Seulement, cesser de supposer un sujet au savoir, loin de réduire l’Urverdrängt met à jour son impossible réduction. Passerait-on alors dans une analyse d’un dieu à l’autre, du leurre du sujet supposé savoir, qui n’existe pas, à l’Urverdrängt qui ex-siste ? Il faudrait dire alors : athéisme impossible pour celui qui ne peut cesser de monter le refoulement en « personne », cesser d’en faire un regard, ou une voix. Impossible, à moins que le symptôme, réel et hors symbolique, ne constitue un point de buttée reconnu au sens toujours religieux.

Colette Soler, le 3 mars 2009

(1) « La méprise du sujet supposé savoir », Scilicet 1, Seuil, 1968, p. 39. (2) R.S.I., leçon du 17 décembre 1974. (3) Ibid.

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